Ecole Waldorf Steiner : dans les huit premières classes, le monde parle en images

Ecole Waldorf Steiner : dans les huit premières classes, le monde parle en images

Vers six-sept ans, l’enfant rentre à l’école primaire. Un regard attentif permet de noter de profondes transformations: la démarche est moins rêveuse’ le regard s’est intériorisé, les proportions du corps se sont modifiées, le visage est mieux dessiné, il s’est modelé et a pris une expression plus individualisée. Les dents de lait sont tombées faisant place peu à peu aux dents définitives. Ce changement de dentition est le signe le plus visible du fait que les forces qui ont construit le corps se libèrent en partie et sont désormais disponibles pour autre chose: l’enfant devient mûr pour apprendre. Il peut entrer en première classe (CP). Pourtant si son esprit ne « dort » plus comme celui du tout petit,  il n’est pas encore tout à fait éveillé: il rêve.

 

Un monde intérieur d’images vivantes et colorées répond en lui aux expressions reçues du dehors. Ce que lui dit le maître, l’enfant le saisit encore de façon toute imaginative. Voilà pourquoi les contes lui parlent tant. Le petit chaperon rouge, les fleurs de la forêt et le loup ne sont pas des êtres matériels mais des imaginations’ des symboles,  bien plus authentiques pour l’enfant que la réalité des adultes. C’est tout un langage symbolique qui parle à l’enfant directement, bien mieux que ne pourrait le faire le langage intellectuel.

Avant six ou sept ans, l’enfant peignait en étalant les couleurs à sa guise, entièrement plongé qu’il était dans la vie des couleurs. Maintenant, la peinture devient un exercice plus conscient. Le professeur demande à l’enfant, par exemple, de placer avec soin une surface Jaune a cote d’une surface bleue, ou bien d’entourer de vert un rond rouge. Tout cela est réalisé au moyen de couleurs liquides qui ne s’emprisonnent pas dans des formes limitant leurs énergies propres. Les enfants savent qu’il s’agit maintenant d’une activité sérieuse: ils peignent pour apprendre quelque chose, comme on exerce le violon.

Le jeu agit du dedans au dehors, le travail agit du dehors au dedans. C’est justement en cela que consiste l’immense tâche de l’école primaire : assurer progressivement le passage du jeu au travail” [Les bases spirituelles de l’éducation].

Jusque-Ià, l’enfant se contentait d’appréhender directement l’aspect extérieur des phénomènes et du monde autour de lui. Dorénavant, il a besoin de saisir les liens entre les choses en pénétrant au-delà de leur apparence. Mais il ne peut pas encore le faire au moyen de concepts abstraits: ses facultés intellectuelles ne sont pas encore suffisamment autonomes. C’est par l’intermédiaire, d’images pleines de sens qu’il pourra se fier au monde. Le professeur doit savoir exprimer par analogie les lois de l’univers. Il s’efforce donc de traduire la réalité en images symboliques afin que l’enfant les vive aussi dans son sentiment et qu’elles deviennent ainsi une nourriture d’âme pour tout son être.

Comme l’œuvre d’art, l’image pédagogique laisse transparaître les liens invisibles entre les choses visibles. Elle touche autant le cœur que la tête. L’enseignant trouve lui-même – selon son inspiration – des images appropriées aux divers phénomènes du monde. Pour cela, il doit se laisser guider par ce qui se développe au contact des enfants. Cela exige de la part de l’adulte des forces de « fantaisie exacte » qui peuvent être comparées à celles mises en œuvre dans la  création artistique.

Ainsi on pourra montrer aux enfants comment le papillon est semblable à une fleur libérée dans les airs tandis que la fleur est comme un papillon qui resterait attaché à la terre. Plus tard, en cours de botanique les élèves apprendront à comprendre de façon plus intellectuelle le lien étroit qui existe entre les insectes et les plantes. Mais auparavant, cette loi aura vécu, grâce à l’image, dans le sentiment. Le professeur crée sans cesse avec l’enfant. Tous deux partagent le même enthousiasme créateur. Dès lors s s’installe une relation d’autorité naturelle dans un climat d’amour et non de peur. Chaque enfant est encouragé à donner en toute liberté le meilleur de lui-même, à faire des efforts pour surmonter ses difficultés. L’effort devient source de joie !

 

L’Ecriture

C’est aussi par un processus artistique imagé que par exemple l’écriture est introduite dans la première classe. Un enfant dessine d’abord les mots. Sa main, ses yeux, son corps s’animent du geste de l’artiste quand il dessine une fleur, une montagne, une table. Avant de lui apprendre à écrire, il est important d’éveiller la sensibilité de l’enfant à la beauté de la ligne pure. A l’aide de nombreux dessins, le professeur fait donc d’abord vivre le dynamisme de la ligne droite, de la ligne courbe et des multiples métamorphoses qui naissent de leur rencontre. Ainsi l’écriture procède du mouvement. Une telle approche a pour effet de contribuer à une bonne spatialisation. Seul ce qui a d’abord été vécu peut ensuite être vraiment compris. Avant d’être des signes conventionnels, les lettres furent dans l’Antiquité des évocations stylisées de l’environnement de l’homme puis des symboles vivants. Les formes des lettres sont venues comme les traces de mouvements qui se seraient ralentis, puis arrêtés. C’est tout ce cheminement de l’humanité qui va être ainsi revécu par l’enfant.

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Ecole Waldorf Steiner : dans les huit premières classes, le monde parle en images

Pour commencer, les enfants écriront en recopiant simplement, par imitation, plusieurs mots contenant par exemple un F’ sans avoir encore conscience de la lettre F en elle-même. Puis le professeur parlera du forgeron qui souffle sur les flammes du feu. Il fera écouter le son F F F F … Un dessin au tableau illustrera cette histoire: les flammes du feu vont se métamorphoser naturellement en F.
Cette façon d’introduire l’écriture permet à l’enfant de se lier de tout son être à des signes qui sinon resteraient plus ou moins abstraits et conventionnels. Lorsque les lettres puis les différents sons ont ainsi été rendus vivants dans tout l’être de l’enfant, celui-ci apprend facilement à lire, comme de « surcroit ».
Pourquoi n’est-il absolument pas possible d’inculquer l’orthographe à certains enfants qui ont un mal considérable à orthographier correctement les mots ? La mauvaise orthographe vient de ce que ceux qui sont condamnés à mal orthographier les mots sont peu doués pour écouter avec exactitude, de manière musicale, pour entendre ce qui a été réellement prononcé. Et même si la cause de Ieur problème est autre, elle n’est jamais très éloignée de cela. Celui qui n’a pas appris à écouter avec précision, à écouter toute la plastique d’un mot, écrit sans orthographe“. [Les bases spirituelles de l’éducation]

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Le Calcul

Pour le calcul, le professeur présente à l’enfant la nature qualitative des nombres. D’abord l’unité qui contient tout, en fait le plus grand des nombres ! Le monde est un. Mais l’être humain est aussi un. Chaque enfant saisit bien qu’il est une unité : il est unique, comme son père, sa mère ou n’importe quel autre homme.
De même, chaque arbre est un arbre, il y a une école un soleil, un ciel … Pourquoi est-il s’important de partir de la qualité du nombre ?
Chacun sait que pour acheter quelque chose, on décide souvent de la quantité après avoir évalué la qualité. Il en va de même pour l’enfant: Il comprendra bien mieux le sens du calcul et des nombres s’il a pu saisir leur qualité. Le calcul n‘est pas un mécanisme vide. Le deux, la dualité, pourra être introduit avec l’image du jour et de la nuit, de l’homme et de la femme, du chaud et du froid. Le trois, la trinité, c’est, par exemple le père, la mère et l’enfant.

Chaque professeur trouve des façons différentes de faire comprendre l’essence des premiers nombres. Et chaque fois, l’enfant acquiert cette compréhension avec bonheur. Les processus des opérations, additions, soustraction, multiplication, division sont introduits par l’exercice de rythmes et de déplacements variés dans l’espace. Par exemple, pour la multiplication en plaçant en cercle dix enfants qui se lancent une balle de deux en deux: deux, quatre, six … puis de trois en trois: trois’ six’ neuf … puis de quatre en quatre, etc … La pensée s’éveille ainsi progressivement par les mouvements du corps tout entier.

L’enfant éprouve en profondeur la vie des nombres. Quand on fait calculer les enfants dans la classe, on peut s’efforcer de stimuler l’activité de chacun en personnalisant les réponses. Comparons deux manières différentes de procéder. Première manière, le maître  pose la question:
Combien font 4+7+5 ? Un enfant répond : ‘8 ! Le maître : C’’est faux. Un autre en fant : ‘6 ! Le maître : c’est bien !
Deuxième manière : trouvez une façon de faire ‘6, comme vous voulez. Alors les réponses fusent : 8×2, ou bien ‘5+’, ou encore 48 :3, etc…
Chaque enfant peut ainsi participer selon ses facultés et l’expérience montre que ce genre de questions appelle une participation intense de chacun et stimule les efforts des uns et des autres.

Les Récits

Bien entendu, les professeurs puisent aussi dans le trésor d’images accumulé par l’humanité au cours des temps. Ces récits traditionnels sont l’expression d’une ancienne sagesse aujourd’hui perdue qui imprègne encore les multiples images des contes, des légendes, des mythologies.
Hercule, Thésée, Prométhée … sont autant de héros auxquels les enfants s‘identifient tout naturellement. Ils y trouvent des archétypes d’humanité qui les aident à élaborer un concept riche et vivant de l’aventure humaine.
Parallèlement, les enfants découvrent leur environnement immédiat et la vie pratique : en troisième classe, par exemple, ils apprennent comment on construit une maison’ ils séjournent à la ferme, labourent la terre, traient les vaches, soignent les animaux, sèment le blé et fabriquent le pain, le beurre…
Après douze ans, lorsque l’enfant commence à saisir des relations de cause à effet, le voilà prêt pour comprendre les lois du monde inorganique et aborder la minéralogie, l’astronomie, la physique ou la chimie. Ces domaines ne sont pas encore traités au plan des théories abstraites mais toujours sous une forme vivante et imagée.
Le professeur fait ressortir les qualités des choses : comparaison des paysages calcaires et granitiques – observation de phénomènes optiques : reflets, apparitions des couleurs dans le prisme, transparence, ombres, rôle de la chaleur et du froid, nature des aimants, etc…

Une Science Vivante

Dans les cours de zoologie en quatrième classe et de botanique en cinquième classe, le professeur parle des animaux et des plantes de telle façon que les élèves n ‘ aient pas affaire à de simples descriptions extérieures saisies par une pensée analytique. Il s’efforce de faire vivre la forme, le comportement’ le lien de chaque être vivant avec son environnement. Les élèves parviennent à saisir en images dynamiques les principes formateurs à l’œuvre dans telle plante ou dans tel animal.
La tige des plantes forme un rayon entre le ciel et la Terre: les feuilles s’abandonnent à la lumière qui les cisèlent ; les racines plongent dans l’obscurité et se lient à la pesanteur de la Terre, etc … Cette démarche permet à l’enfant d’approcher chaque plante, chaque animal la Terre et tout l’univers.
En septième classe, par exemple en cours de chimie, les élèves font du feu avec toutes sortes de substances naturelles, bois, paille, écorces … Ils sont attentifs à ce qu’ils peuvent voir, entendre ou sentir: les flammes claires et chaudes la fumée âcre’ les étincelles qui jaillissent en claquant.
Ils observent aussi la vapeur d’eau qui se dépose en buée sur les vitres de la pièce, la disparition progressive de la forme des matériaux brûlés jusqu’ au résidu poudreux qu’est la cendre.
Le feu sépare tout ce que la plante avait uni en elle, la lumière et la chaleur du soleil, l’eau et le gaz de l’atmosphère les sels de la terre. Par le feu, chaque chose retourne d’où elle vient.
L’enfant découvre que ce qui monte dans la fumée du feu a des propriétés chimiques différentes de ce qui tombe dans les cendres : il saisit peu à peu la polarité des acides et des bases. Un peu plus tard, il comprendra l’importance de l’acide carbonique et du potassium dans le processus de la  vie. Les lois de la matière minérale restent liées à celles de l’univers tout entier.

Article rédigé par Raymond Burlotte en collaboration avec un groupe de professeurs et de parents de l’école perceval
Texte publié initialement dans le livret “L’école Steiner, Une Pédagogie pour Aujourd’hui”

Mis en ligne le 27 Décembre 2016

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