En ce bel après-midi de juin, plusieurs classes du Collège et du Lycée de l’École Perceval ont eu la chance et le privilège de bénéficier de la présence de l’agroécologiste, écrivain et philosophe Pierre Rabhi qui était déjà venu à l’école il y a peu plus de 10 ans. Il était accompagné par Françoise Vernet, présidente de l’association Terre et Humanisme. Cela a été l’occasion pour les élèves d’échanger avec cet homme foncièrement moderne notamment sur l’origine de son engagement, son expérience de l’agroécologie en France et à l’international et sa vision de l’éducation.
« Dans notre école, lorsqu’un professeur s’adresse aux élèves, ce n’est pas simplement ce qu’il dit qui est important mais c’est également ce qu’il vit en lui. C’est le cas de Pierre Rabhi, notre invité aujourd’hui, qui, vous allez le découvrir, a cette cohérence entre ce qu’il pense, ce qu’il fait et ce qu’il dit. Pierre Rabhi était déjà venu à l’école en 2003. Il nous apporte un certain regard sur ce qu’être l’être humain, ce qu’est la nature, ce qu’est la terre, et quand Pierre Rabhi parle de la terre, c’est quelque chose de vivant.» Pierre Schlumberger, coordinateur de l’école Perceval Steiner-Waldorf de Chatou (Yvelines)
De la biodynamie...
Pierre Rabhi a rappelé qu’il était engagé depuis déjà pas mal d’années en rappelant qu’il est né dans une oasis dans le désert d’Algérie avant d’être confié à une famille française à la suite du décès de sa mère. Il a ainsi toujours évolué avec 2 cultures (il a été dans l’islam puis dans le christianisme) et son entrée dans le monde de la « modernité » l’a mené à beaucoup s’interroger sur le sort de l’humanité et sur ce que l’être humain représente.
Pierre Rabhi a brièvement rappelé son parcours en indiquant qu’il avait quitté Paris pour s’installer en Ardèche et créer une ferme il y a près de 50 ans où ses 5 enfants « n’ont manqué de rien ». Tous ses enfants sont musiciens.
Installé près du village de Lablachère, Pierre Rabhi a eu une première expérience en tant qu’ouvrier agricole où il a pu voir les quantités importantes, inconsidérées, d’engrais chimiques et de pesticides qui étaient utilisées dans l’exploitation agricole. Véritablement choqué par ces pratiques, il s’est posé la question de pourquoi on ne peut pas cultiver la terre sans la polluer, sans l’empoisonner. C’est à ce moment que son ami Pierre Richard, médecin qui fût également à l’origine de la création du parc national de Cévennes, lui a conseillé la lecture du livre La Fécondité de la Terre – La rétablir, la maintenir d’Ehrenfried Pfeiffer, homme à la fois chimiste et agronome. Ce livre donne les bases de la méthode bio-dynamique en agriculture à partir des travaux de Rudolf Steiner qui est le père fondateur dès les années 20 de cette approche agricole
« Cela m’a beaucoup aidé de savoir que des personnes, des penseurs se souciaient déjà de l‘harmonie que doivent avoir les êtres humain avec la vie, avec la nature. Cela a été ma première initiation à la biodynamie », a ainsi expliqué Pierre Rabhi.
Il a également ajouté que ce qu’il trouvait d’intéressant dans la proposition de Steiner c’est qu’il lie le ciel, la terre et les éléments avec une vision que tout est dans tout, tout est pour tout. Il a ensuite appliqué les principes biodynamiques sur sa ferme avec des résultats qui l’on convaincu que c’était une bonne voie, « une voie juste ». Cultiver la terre était très difficile au départ mais lui et sa femme ont décidé de rester. Il a également élevé des chèvres et fait du fromage. Le fumier était utilisé pour enrichir la terre ce qui a permis de planter des arbres fruitiers alors qu’il n’y avait au départ aucun arbre sur les terrains cultivables où ils s’étaient installés.
Pierre Rabhi aime dire qu’il a « construit son monde »
...à l’agroécologie
Face au succès rencontré par sa pratique de l’agriculture, des gens ont voulu comprendre les recettes de sa réussite.
Il a ainsi accueilli beaucoup de gens et a créé des structures notamment au Burkina Faso (avec l’association et compagnie aérienne Le Point Mulhouse). Dans le village de Gorom, les gens étaient obligés d’acheter des semences, des engrais et des pesticides pour leurs cultures, étaient endettés en permanence et s’appauvrissaient un peu plus année après année. Autre conséquence, les enfants migraient dans les villes.
En précisant qu’il faut 2,5 tonnes de pétrole pour faire 1 tonne d’engrais, Pierre Rabhi a ainsi appris aux hommes et aux femmes à cultiver la terre avec des semences locales et sans engrais et a également créé un centre de formation aux pratiques de l’agroécologie afin que les gens soient autonomes notamment en conservant les semences et en faisant du compost pour créer de l’humus « au cœur de la vie des sols ».
Les bases techniques de l’agroécologie reposent notamment sur la restauration des sols en prenant soit de la faune et flore, en évitant l’érosion, en permettant à l’eau de s’infiltrer et en nourrissant la terre par le biais de de fertilisants organiques, ce qui permettra ensuite de nourrir les plantes. Il insiste également sur l’importance des semences qui, selon lui, sont une richesse inouïe alors que 75% des semences que l’humanité a transmis de génération en génération est en train de disparaitre. Il considère que « la diversité des semences est un patrimoine indispensable » que « les recherches sur le OGM, organismes génétiquement modifiés sont un crime contre l’humanité ».
Pour Pierre Rabhi, l’agroécologie apparait comme une solution pour lutter contre la faim dans le monde. Les résultats atteints ont intéressé le chef d’Etat Thomas Sankara qui a mandaté Pierre Rabhi pour s’occuper de l’agriculture dans l’ensemble du pays et faire de l’agroécologie une priorité nationale. Ce projet n’a finalement pas pu voir le jour à la suite de l’assassinat de Thomas Sankara quelques temps après.
Pierre Rabhi a conclu en précisant qu’il enseigne l’agroécologie désormais partout dans le monde mais également comment traiter les animaux et les végétaux et l’importance d’être en harmonie avec eux. Une des questions sur laquelle il y a urgence aujourd’hui est de savoir si l’humanité peut se réconcilier avec l’humanité, mais aussi avec la nature à qui elle doit la vie.
Il a donné notamment son point de vue sur l’usage des pesticides en soulignant que lorsque l’on utilise des poisons, on s’empoisonne aussi en en les consommant et on empoisonne la terre. Si la terre meurt nous mourrons et nous sommes en train de tuer la terre à coup de pesticides alors il faut en prendre soin.
Les élèves ont ensuite pu poser les questions qu’ils avaient préparées en groupe la semaine précédente, sous la houlette de leurs professeurs.
A propos de Francoise Vernet
Françoise Vernet a fait une école de commerce avant de partir vivre trois ans en Australie puis en Espagne. Acheteuse pour le catalogue Bien Joué, puis pour les magasins Nature & Découvertes, elle crée le service marketing et devient directrice marketing et communication. En 2009 elle fonde et dirige la Fondation Pierre Rabhi. Elle est actuellement présidente de Terre & Humanisme, association qui œuvre à la transmission des pratiques agroécologiques. Depuis novembre 2004, elle dirige le magazine Kaizen.
A propos de Pierre Rabhi
Agriculteur, écrivain, philosophe et conférencier français d’origine algérienne, Pierre Rabhi est l’un des pionniers de l’agroécologie reconnu expert international pour la lutte contre la désertification. Il est à l’origine des associations Colibris et Terre & Humanisme , du centre agroécologique Les Amanins et auteur de nombreux ouvrages : L’agroécologie, une éthique de vie, Du Sahara aux Cévennes ou la reconquête du songe, Graines de Possibles, Regards croisés sur l\’écologie, Manifeste pour la Terre et l\’Humanisme, La Sobriété Heureuse, Pierre Rabhi, Semeur d\’Espoirs…
Article rédigé par un collectif de l\’école Perceval
Mis en ligne le 14 Juin 2016(c) Ecole Perceval – Reproduction interdite sans autorisation préalable écrite